Athénaïs était littéralement épuisée. Elle avait passé la nuit à faire semblant d'essayer de dormir. Pour l'instant, elle habitait un petit appartement qui ne lui convenait guère. Un appartement puisqu'il aurait semblé étrange qu'une nouvelle arrivante, aussi jeune et qui ne devrait pas être aussi riche, achète une maison la première semaine de son arrivée. Son propriétaire l'avait questionné la veille au sujet de ses habitudes.
-Je vous entends marcher et bouger toute la nuit, mademoiselle. Vous ne dormez pas?
-Je fais de l'insomnie, avait-elle répondu simplement.
-Ah, je comprends. Moi aussi, mais depuis que je prends ces somnifères, ça va beaucoup mieux. Attendez voilà des comprimés. Vous m'en donnerez des nouvelles et bonne nuit!
Athénaïs se voyait donc obligée de rester dans son lit toute la nuit. Troublée par cet effort de fermer les yeux, elle tenterait vainement de se détendre aujourd'hui.
C'était pourquoi elle était assise dans le parc municipal à l'ombre d'un érable et lisait encore une fois Les Misérables. Bien qu'elle l'ait lu des centaines de fois, possiblement une fois par année depuis qu'il était paru, la vampire ne parvenait pas à s'en fatiguer. Passionnée par les mouvements révolutionnaires, qui avaient secoués son pays, elle prenait une passion sans borne pour le romantique personnage d'Enjolras, détestait l'idiote Cossette, lui préférant Éponine. À chaque lecture, elle espérait que le cours du livre change. Athénaïs espérait que la révolte de 1832 eût fonctionné.
Pendant un instant, elle fixait les nuages en pensant au groupe de l'ABC, souriant de leur passion. Si seulement, elle vivait dans le but d'un idéal, elle aussi. Bien entendu, il y avait les Volturi, mais, pour elle, les Volturi, c'était la royauté, l'obéissance. Peu importe si elle était en accord avec leurs idées, Athénaïs obéissait sans poser de questions. Peut-être qu'elle supportait davantage les ordres de Caïus, mais elle avait toujours brillé par une fidelité sans borne à leurs causes.
Elle reprit sa lecture, souriant du côté grognard de Grantaire. Soudainement, quelqu'un se plaça, involontairement sans doute, de façon à cacher la faible lumière qui perçait les nuages. Sachant le livre par coeur, elle n'avait pas réellement besoin de voir les caractères, mais cet impertinent personnage l'énervait. Se refusant la colère, elle leva son joli visage et prenait sa voix de gentille fille, elle lui adressa la parole.
-Pardonnez-moi, vous cachez la lumière.