Est-ce vraiment un jeu d'enfant? Réfléchis, Kate!

Victor alluma une nouvelle cigarette et étira son long cou pour voir si une silhouette s'avançait vers lui. Toujours rien. Soupirant, Victor prit une nouvelle bouffée de sa cigarette et monta le volume de la radio de sa Austin.

"So now you're on your own.
Won't you come back home
To see you're not that kind"

Le jeune universitaire se mordit les lèvres et regarda d'un air intrigué la radio qui crachait cette chanson qui lui faisait la morale. Revenir à la maison? Dans le château familial dans le Northamptonshire? Oui, peut-être. Après tout, il était bien probable qu'ici, il courait qu'après de vaines chimères. Et, au final, il restait bien de se faire tuer. Pourtant, la seule idée de Giselle le faisait continuer. Il ne pouvait pas la laisser tomber. Ah! Voilà qui était ironique. Giselle avait bien cherché à l'empêcher de se venger, mais Victor s'en foutait bien. Il était entré dans ce monde en pleine conscience de ses chances d'en sortir les pieds par le devant. Il mena une nouvelle fois la cigarette à sa bouche, en regardant dans son miroir.

Non. Toujours aucune trace d'elle. Merde! Déjà qu'un semblant ou un restant de coeur de Victor se rebellait au fait de traîner une innocente jeune fille dans une telle aventure! Elle lui laissait le temps de penser qu'il était un égoiste et qu'il risquait sa vie. Mais si elle avait accepté, c'était qu'elle était consciente des risques de l'équipée.

Au début, lorsqu'il l'avait vu traîner dans l'école, portant ces vêtements qui lui étaient caractéristiques, un ennui manifeste peint sur son visage, Victor sentit quelque chose remonter le long de sa gorge. Elle ressemblait à Giselle! Pas beaucoup, mais c'était ce regard absent qui l'avait frappé, cette vision d'un autre monde dans son regard. Pouvait-il dire qu'il avait immédiatement sympathisé avec elle? Aucunement, le caractère revêche et solitaire de Victor ne l'acceptait guère, mais cette jeune fille l'avait passionné, d'une manière platonique, comme lorsqu'on pose son regard sur quelque chose de si beau qu'on ne peut en arracher le regard. Victor avait donné rendez-vous à Kate Browns devant le parc. Elle ne devrait pas avoir trop de mal à reconnaître sa voiture.

Victor jeta le bout de sa cigarette par la fenêtre, avant de fouiller dans sa poche pour en attraper une autre.

-What the hell? s'écria-t-il avec un parfait accent anglais, en cherchant ces précieuses cigarettes.

C'est à cet instant que des pas s'approchèrent de la Austin.

Victor commença à fourrager dans le coffre à gants. Il ne pouvait tout de même pas avoir fumé un paquet en une journée et ne pas s’en rendre compte. Impossible! Elles devaient simplement être quelque part. Son étui était vide, mais il se souvenait qu’il avait placé le reste de la boîte dans la voiture. Du coup, il ne saisissait pas comment elles avaient pu disparaître. Merde! Que se passait-il? Il savait bien qu’il fumait plus que lorsqu’il était en Angleterre, mais il ne croyait pas que c’était autant que cela. 25 cigarettes en une journée? Et encore, il n’avait pas encore commencé la soirée. À ce point, il serait mieux de boire, ce serait peut-être mieux. Victor se regarda dans le rétroviseur et fit une moue. Oui, certainement, mais ce serait beaucoup moins classe. Du moins, ainsi il pouvait marcher sans trébucher. Restait qu’il risquait bien de crouler sous la pression. Il jeta un coup d’œil à ses ongles, avant de commencer à les ronger méthodiquement. Il fallait bien qu’il s’occupe; il n’avait plus de cigarette et Kate n’était toujours pas arrivée.

Soudainement, la porte s’ouvrit et elle entra. Victor la regarda, comme intrigué. Mais elle avait du front tout le tour de la tête, celle-là! Il lui fit un petit sourire, alors qu’elle l’accablait de reproches.

-Tu n’es peut-être pas au courant, mais c’est mauvais pour la santé…En tout cas, ça m’a étonné que tu m’appelles. Qu’est-ce qui passe?

-Boff, au moins ou elle en est ma santé, et au prix que je donne de ma vie actuellement, je m’en fous pas mal, ma chère. D’ailleurs, j’en ai plus, pour une raison que j’ignore.

Victor étira son bras, habillé d’une chemise blanche de lin et ferma la radio. Il avait besoin de calme pour exposer son idée. Il se recula dans son banc. Après tout, il était bien possible qu’il se ramasse une gifle. Il prit une grande respiration avant de se retourner vers son amie.

-Ce que je vais te dire risque de te choquer, mais, s’il te plaît, laisse-moi finir avant de parler. Alors voilà, quand j’étais encore à Londres, j’avais une petite copine, Giselle ; elle te ressemblait un peu, d’ailleurs. Mais elle a été tuée, mais avant de mourir, elle a pu me dire qui l’avait tué. Il se trouve que c’est une espèce de réseau de gang, dont la tête se trouve en Italie. Mais à Mist, il y a deux sous-traitants, si je puis dire. Deux familles qui font semblant d’être normales, mais qui ne le sont aucunement.

Oui, l’idée d’une mafia mondiale était une bonne idée. Victor n’avait pas voulu révéler l’existence des vampires à Kate. Une chose à la fois, et celle-ci semblait déjà assez difficile à avaler. Autant ne pas précipiter les choses, ce serait bien complexe assez tôt.

-Inutile de te le dire, tu me connais assez pour savoir que je veux me venger. Mais pour cela, j’ai besoin de ton aide. Je ne peux rien faire sans toi. Je suis presque certain que les dirigeants savent mon existence et à quoi ressemble mon visage. Ce serait comme une mort certaine d’y aller, pour moi. Mais si toi, tu voulais y aller, si tu acceptais de t’intégrer dans ce monde, ton aide me serait extrêmement précieuse. Tu sais bien que je veux tous les tuer. Tous, jusqu’au dernier. Débarrasser la terre de cette saloperie, mais je ne peux faire cela seul, sinon, je le ferai, n'aies aucun doute.

Dans un geste instinctif, Victor chercha une nouvelle cigarette. Encore une fois, il pesta. Il aimerait en avoir une aux lèvres actuellement.

-Je sais, je suis fou de vouloir de te jeter là-dedans, mais t’inquiètes, je te suivrai. Si tu meurs, c’est que je serai mort aussi. Si tu acceptes, je te dirai le reste, mais sens-toi bien à l’aise de refuser. Je ne t’oblige pas, tu sais. Maintenant, tu peux parler.

Victor détourna son visage, il n’avait guère envie de la regarder, de la voir le prendre pour un fou…