Leçons sur l'Italie.

Victor avait vite compris que les vampires se cachaient parmi la population active de Mist. Il n'y avait donc aucune raison qu'il les évite et vu leur éternelle jeunesse, ils semblaient tous se cacher au lycée. Il semblerait en effet bien étrange que certains jeunes de la ville n'aillent pas à l'école, même si certains semblaient bien plus vieux que l'âge maximal pour traîner dans un établissement d'enseignement secondaire. Il n'y avait donc pas grand mal si Victor se joignait à eux. Bien évidemment, ses vingt-deux ans et son passé d'étudiant à Oxford étaient un peu contracditoires avec le fait de le trouver sur les bancs d'un lycée, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. La mort de Giselle l'obligeait à enquêter dans des endroits ou son orgueil ne l'aurait jamais laissé mettre les pieds. Cependant, à ce moment même, Victor Ellington se promenait dans les couloirs beiges du lycée municipal de Mist, sous les yeux intrigués des autres élèves, étonnés de voir un de leur camarade de classe habillé d'une chemise blanche, d'une cravate et d'élégants pantalons coupés noirs.

L'air sombre, il avançait la tête baissée, comme si le monde autour de lui n'existait pas. Il n'était plus habitué de se lever tôt, en fonction de sa manière frondeuse de vivre la nuit. Se retrouver dans un endroit, à la lumière du jour, le surprenait lui-même un peu. Ses cheveux noirs, un peu trop longs, cachaient ses yeux, alors qu'il se dirigeait en classe d'italien. La seule et unique raison pour laquelle il se pointait dans cette pièce était qu'il savait que la royauté vampirique habitait l'Italie, c'était certainement l'endroit le plus approprié pour savoir qui pouvait être un vampire.

En entrant dans la classe, il vit les quelques élèves et le professeur, mais n'y prêtant aucune attention, il se glissa jusqu'au dernier rang de la classe. Ses longs doigts se tordaient ensemble. Il avait tellement envie d'une cigarette!

Athénaïs de Fontanges lança un livre sur son bureau, énervée. Comment les étudiants faisaient-ils pour briser autant les livres? Et combien devrait-elle charger de frais pour qu'ils arrêtent de souligner et d'écrire sur leurs pages? C'était ignoble! Comment pouvait-on faire cela? La jeune femme s'assit dans son fauteuil et posa sa longue main droite sur son front. Fermant ses yeux douloureusement, elle tenta d'oublier ce qui faisait tourner sa tête, mais tout semblait intact dans sa foutue mémoire. Elle se souvenait de tout, de l'humidité de l'air, de l'odeur particulière qui se promenait sous les sapins, de l'éclat de ses yeux. Qu'est-ce qu'elle avait fait pour mériter cela? Il l'avait embrassé et était rapidement parti, la laissant platement sur le perron, la bouche ouverte, les paupières papillonnant. Maintenant, elle ne savait pas ce qui lui arrivait. Pourquoi ses pensées tournoyaient toujours autour de lui? D'un simple humain? Alors qu'elle était l'amante du chef des Volturi? Et que ce simple humain ne lui avait pas succombé lui était particulièrement pénible! Le Roi de France, le chef des Volturi lui étaient tombés devant lui, et un simple professeur humain était capable de résister à son charme! Voilà qui était étrange et surtout insupportable! Devant la pile de livres qui s'accumulait sur son bureau et l'envie qu'elle avait d'aller donner à cet idiot d'humain un bonne leçon, Athénaïs fit son choix rapidement.

Vivement, Athénaïs se leva et rajusta sa robe blanche. Une faible nervosité se prit d'elle, alors qu'elle torniturait la petite croix de diamants qui pendait à son cou. Se dirigeant vers sa classe, elle se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire. Traversant les couloirs déserts entre la bibliothèque et la salle de classe de Nicholas, Athénaïs tenta de savoir si elle serait capable de résister à l'envie de sauter sur lui. Elle mit la poignée de métal sous sa paume et la tourna rapidement, entrant dans la classe.

-Quelqu'un peut me dire quelle en est la capitale et ce qu'a de particulier son légendaire fondateur?

Athénaïs se retourna sur la voix magnifique de Nicholas et regarda la classe pleine qui se trouva devant elle. Se mordant la lèvre inférieure, la Volturi sourit juste avant de répondre à la question.

-La capitale est Rome et elle a été fondée par Romulus, fils de Mars et meurtrier de son jumeau, Rémus.

Athénaïs sourit à Nicholas, remerciant le Ciel pour avoir mis des étudiants dans la même classe qu'eux.

-Est-ce que ça vous dérange si j'assiste au cours, Nicholas? demanda ingénuement Athénaïs, avec un battement de paupières supplémentaire.

Victor, du fond de la classe, observait les autres étudiants. Il ne pouvait immédiatement reconnaître les vampires, mais avec un peu d'application et de temps, il y parvenait habituellement. Il était vrai que leur beauté était bien facile à les distinguer des autres. Cependant, ce que Victor ignorait, c'était la manière de la différiencer entre eux. Car, soyons honnêtes, il est bien impossible de deviner si un vampire était méchant ou gentil, du même que savoir de quel clan ils étaient. Ce n'était pas comme s'ils avaient un signe distinctif ou une odeur particulière. Sinon, il leur serait impossible de s'intégrer, de renier leur passé. Cela était certain.

Adossé contre le dossier de sa chaise en plastique, Victor regardait les étudiants avec son habituel air hautain. Seule une jeune femme s'éloignait des autres par son apparent honneur et son air désabué, qui devait un peu ressembler au sien. Ses longs cheveux foncés cascadaient sur son dos et le calme visible dont elle faisait preuve captivait Victor.

Au contraire, deux créatures blondes discutaient entre elles, parlant d'une partie de baseball. Depuis quand des filles aussi jolies s'adonnaient à un sport aussi barbare?

Monsieur Davenport commença son cours. Victor, bien contre lui-même, le trouva idiot. Oui, d'accord, il était quelques années plus vieux que les autres étudiants, mais pour lui, qui avait connu Oxford, on parlait tout de même d'une sacrée descente.

Soudainement, la porte s'ouvrit, laissant passer une angélique jeune femme, qui - Victor l'observa par la couleur excessivement pâle de sa peau, sous laquelle saillait des veines bleutées - devait être un vampire. Le britannique ne put s'empêcher de la trouver totalement charmante, mais il vit bien la réaction dont fut prise le professeur. Un sourire mesquin prit ses lèvres. Il se passait manifestement quelque chose entre eux. Partagé entre l'envie de courtiser cette magnifique demoiselle et d'espionner la liaison qu'elle entretenait avec le professeur, Victor prit le parti d'écouter le cours.

Bof, le détail du loup... C'était totalement insignifiant dans l'histoire de Rome! Il ne fallait tout de même pas en faire tout un plat. Et d'ailleurs, la demoiselle en blanc avait bien résumé la situation. Il avait demandé ce que son fondateur avait de particulier... La louve, il l'avait partagé avec son frère, ce n'était donc pas un élément qui lui était propre. Pas de quoi à la reprendre donc! Mais peu importait, le professeur reprenait son cours après avoir donné la permission à mademoiselle de Fontanges de rester en classe.

Mais il fut déconcentré par une des idiotes créatures blondes qui parlait. Le mot de Volturi, il l'avait bien compris. Mais il était impossible qu'elle ait pu réellement l'identifier aussi rapidement, alors que les autres vampires ne l'avaient pas reconnue. Elle devait délirer, c'était manifeste. Mais maintenant, elle se retournait vers son autre amie blonde, une dénommée Nessie et lui chuchota des mots qui furent trop forts.

Vivement, Victor, qui n'avait ordinairement aucune patience, mais en avait encore moins lorsqu'il ne fumait pas, se hissa légèrement de sa chaise.

-Non, mais tu vas arrêter de parler! Tu peux juste sortir, si tu as envie de placoter.

On ne faisait pas ça à Oxford et Victor ne tolérerait pas de bavardage. Peu importait si c'était un vampire qui avait décidé de parler!