Athénaïs était penchée sur ce livre et cherchait quoi en faire. Partagée entre l'idée de l'élaguer, donc de le sortir de la collection de la bibliothèque, et celle de le réparer, elle pensait au travail à faire sur le dit livre.
Ayant eu la position de bibliothécaire du lycée de Mist, la jeune femme étrennait son travail pour la première semaine. On lui avait donné le poste alors que la bibliothécaire précédente était partie à la retraite. Aux entrevues, seule madame Sanders et elle s'étaient présentées. Sans grande surprise, ce fut Athénaïs qui eut le poste. Rien de bien étonnant. Entre une vilaine femme grincheuse et une jolie jeune femme qui avait travaillé à la Bibliothèque Nationale de France, le choix avait été facile.
Athénaïs n'avait même pas eu l'idée de tuer son adversaire puisqu'elle ne représentait aucun danger pour son intégration dans la société de Mist. On avait été très clair chez les Volturi quant à la mission de la jeune femme. Elle devait être la plus insoupçonnable de la ville pour mieux enquêter. C'était une mission qui ne lui convenait guère, mais puisque Caïus lui avait demandé personnellement, la jeune femme n'avait pas eu le coeur de refuser.
En ce moment, alors qu'elle feuilletait le livre, elle repensa à sa mollesse devant le chef Volturi. Caïus l'avait poussée contre le mur, l'avait maintenu contre son corps et à quelque centimètres de son visage, assez près pour qu'elle voit les détails de l'iris de son oeil, il lui avait soufflé:
"Tu ne me refuserais pas cela, n'est-ce pas? Tu es bien la seule qui ne me refuserait jamais rien. J'ai confiance en toi..."
Alors qu'Athénaïs capitulait, il avait pris sa main dans la sienne pendant une seconde, comme pour la remercier de son obéissance. Puis, il était parti, laissant la jeune femme avec un noeud dans l'estomac, voyant les longs cheveux si blonds qu'ils étaient blancs disparaître dans le noir du château.
Maintenant, elle devait s'habituer à cette petite ville tranquille, elle qui avait connu les plus grandes métropoles.
Quant à ce livre, madame Sanders lui avait méchamment répondu qu'il était souvent prêté ces temps-ci. Était-ce une bonne chose ou une mauvaise chose pour l'avancement des affaires des Volturi? Vieux, le livre aurait eu besoin d'une reliure, mais les caractères, trop proches de la tranche ne permettait guère de le faire. De nombreuses pages étaient tachées et déchirées. Alors qu'Athénaïs décida qu'elle gardait le livre, afin de pouvoir constater qui s'intéressait aux vampires, elle collait les pages, ce qui demandait un sens manuel accru et une concentration sérieuse.
Soudainement, une jeune femme laissa tomber ses mains sur la table et la toisant de haut, lui demanda si elle avait bientôt fini de lire le livre.
Alors que madame Sanders menaçait de s'en mêler, Athénaïs toisa la vieille dame et se leva lentement, fixant de ses yeux impassibles l'envahissante personne.
-Non, je n'ai pas fini avec ce livre. Je dois le réparer. Vous, les étudiants, vous écrivez, surlignez les livres. Vous mangez au-dessus d'eux et vous les déchirez. La seule chose qui me reste à faire c'est de les réparer, mademoiselle.
Athénaïs, qui avait le don d'avoir une capacité de mémorisation phénoménale, savait qu'elle aurait pu lui résumer le livre en quelques secondes, mais cela aurait pu sembler étrange. La jeune vampire fit tourner sa jupe au rebord de dentelle et sourit gentiment à son interlocutrice.
-C'est pour un travail scolaire? Je peux le finir dès ce soir si vous en avez réellement besoin, mais je ne peux vous prêter un livre brisé.
Fâchée d'avoir à être si gentille, alors qu'elle ne voulait que démembrer cette impertinente, Athénaïs continuait à prendre sa façade de bibliothécaire parfaite.
-Vous comprenez, les livres sont si fragiles!
Si on savait à la direction du lycée combien de manuscrits sur les vampires elle avait déjà brûlé pour le compte des Volturi.